Actualité | 24-04-2020
L'ardent mineur…au pays noir, il va sans peur (chanson d’Eugène Long)
Aubin la commerçante, Firmi la vigneronne, Viviez la marécageuses, Cransac la thermale, les prairies, les bois : tout fut balayés par un raz de marée industriel qui transforma ces paisibles espaces ruraux verdoyants en bassin industriel qui pris bientôt le nom de Decazeville.
La mine prospérait. Quel était son produit?
Ici dans ces vallées, à fleur de sol tout autant qu’en profondeur, des gisements de fer et de houille de terre en couches épaisses sont à exploiter. Le duc de Cazes, qui a pu apprécier les progrès technologiques découverts en Angleterre lors d’un de ses séjours diplomatiques, décide en 1826 de tenter l’aventure industrielle avec la création d’un complexe métallurgique et houiller sur le site de Firmi ; il lance la « Cie Houillère et Fonderies de l’Aveyron ». Il embauche un polytechnicien patoisant François Cabrol qui négociera au mieux la cession des droits sur les terrains avec les paysans. Le 25 décembre 1828 coule la première fonte. Ainsi naît le Pays Noir.
Très vite, le bassin se trouve trop à l’étroit, on pousse vers la vallée de Lassalle, les usines et les maisons. Decazeville naissait ce 3 novembre 1833, amalgame de peuples cosmopolites mêlant métallurgistes anglais ou russes et paysans rouergats, mineurs allemands ou piémontais et bergers auvergnats, creuset d’un brassage de cultures. En 1842, Decazeville devient la plus importante ville sidérurgique de France.
En 1846, le comte de Sereincourt fonde la société « Riant Frères » qui installe, à cheval sur Aubin et Cransac, au Gua, une aciérie et une forge. La concurrence fut vive, l’une intrigant pour obtenir le passage de voies de chemin de fer au détriment de l’autre, l’autre disputant les ouvriers à l’une, antagonisme allant même jusqu’au duel entre François Cabrol et le Comte de Sereincourt.
L’arrivée de ce pôle industriel va déterminer l’implantation de sites satellites : verrerie, usine à zinc et accélérer le développement du réseau de communication (routes, voies ferrées) pour évacuer la production. Cette face dorée de la médaille en cache une bien plus misérable qui est les conditions de vie et travail de la main d’œuvre » On sue, on gèle, on tousse; on a chaud, on a froid ».
Si les premiers ouvriers restèrent avant tout paysans et privilégièrent les travaux agricoles au travail de la mine « Il est difficile de faire une bonne journée le lundi, les jours de foire et le lendemain des fêtes», écrivait l’ingénieur en chef, les émigrés étrangers furent plus dociles devant obéissance aux ordres sous peine d’amende. « J’ai ordonné aux ouvriers d’aller travailler dans les galeries chaudes » écrit un responsable en 1830.
Travaillant du lever au coucher du soleil dans des conditions de pénibilité d’exploitation, hommes comme femmes et enfants s’échinent 12 heures par jour. Au sortir de la mine, les mineurs sont logés dans des logements-casernes exigus et insalubres abritant des familles fort nombreuses car « le lit de la misère est fécond ».
La population ouvrière a une mortalité forte liée aux maladies (que l’on qualifierait aujourd’hui de professionnelles), à l’alcool, à l’insalubrité des logements et aux risques d’accidents de la mine. Être mineur est dangereux : grisou, coup de poussières, éboulements... Pour prévenir les coups de grisou, on avait coutume à une époque d’envoyer un « pénitent » - repris de justice - vêtu de cuir mouillé dans les galeries périlleuses et de lui faire agiter des torches enflammées.
Quatre catastrophes ont assombri la vie du bassin faisant 79 victimes.
Travaillant du lever au coucher du soleil dans des conditions de pénibilité d’exploitation, hommes comme femmes et enfants s’échinent 12 heures par jour. Au sortir de la mine, les mineurs sont logés dans des logements-casernes exigus et insalubres abritant des familles fort nombreuses car « le lit de la misère est fécond ».
La population ouvrière a une mortalité forte liée aux maladies (que l’on qualifierait aujourd’hui de professionnelles), à l’alcool, à l’insalubrité des logements et aux risques d’accidents de la mine. Être mineur est dangereux : grisou, coup de poussières, éboulements... Pour prévenir les coups de grisou, on avait coutume à une époque d’envoyer un « pénitent » - repris de justice - vêtu de cuir mouillé dans les galeries périlleuses et de lui faire agiter des torches enflammées.
Quatre catastrophes ont assombri la vie du bassin faisant 79 victimes.
A partir de 1845, la vie économique du bassin fluctua au gré des événements : période d’expansion forte pendant les guerres, récessions lors de traité de commerce, libre-échange, mais aussi lors de traité de paix, l’Alsace-Lorraine redevient française, la France occupe la Ruhr. Liquidations, reprises, absorptions, les compagnies changent mais la misère reste. Avec le chômage partiel, le 8 octobre 1869, c’est le drame au Gua.
De quel pays es-tu? D'Aubin. - N'est-ce pas là, dis-moi, qu'on s'est battu? On ne s'est pas battu, l'on a tué. Nous avons demandé, ne croyant pas déplaire,
Un peu moins de travail, un peu plus de salaire. Et l'on vous a donné, quoi? - Des coups de fusil… Mon grand-père était mort, tué du feu grisou, Mon petit frère était boiteux d'un coup de pierre… Partout la faim. Roubaix, Aubin, Ricamarie. La France est d'indigence et de honte maigrie. Si quelque humble ouvrier réclame un sort meilleur, Le canon sort de l'ombre et parle au travailleur. On met sous son talon l'émeute des misères.
Les salaires bas, les amendes, la misère déclenchèrent une grève le 6 octobre : 1400 hommes, femmes, enfants réclament des rémunérations plus justes, des conditions de travail plus humaines
Un détachement d’une trentaine de soldats fut envoyé pour contrer l’agitation ouvrière. Pris de panique, un soldat tire ; 14 morts dont un enfant et deux femmes, et parmi les 22 blessés, l’un ne survécut pas. L’affaire eut un retentissement national ; Emile Zola reprit mot pour mot le rapport de police lors de l’écriture de « Germinal », Victor Hugo en fit un poème des « Années funestes »
En 1886, un autre drame : les ouvriers voyant leur salaire baissé sans préavis, s’en prennent à Watrin, surnommé « le prussien », le directeur qui fait preuve de dureté farouche à leur égard « L'ouvrage était dur, le chef n'était pas bon »; malgré les appels au calme, la situation ne fait qu’empirer et se solde par la défenestration de Watrin qui mourra des suites de ses blessures.
Et malgré cette misère, l’ouvrier de la mine a des avantages sociaux que les patrons en bon père de famille leur font : logements, écoles, crèches, colonies de vacances, fanfares, hôpitaux, asiles, caisse de secours, coopératives, boulangeries, boucheries, cantines, magasins de vêtements, lavoirs et comme il faut bien s’occuper des âmes, on construit des églises et des chapelles pour le spirituel
Et n’oublions pas la fête de la Sainte-Barbe, seul jour chômé et payé.
Les années passant, le bassin sort amoindri des grandes crises mondiales, et malgré la nationalisation porteuse d’espoir dans l’après-guerre, l’avenir reste sombre, lente agonie qui ira inexorablement vers la fermeture définitive des usines les unes après les autres laissant des mineurs sur le carreau. Le bassin, ilot ouvrier dans un Rouergue rural, se singularise toujours par la fusion de peuples d’origines diverses qui eurent à acquérir et a défendre leurs droits
Merci à Francis Mazars, président des Amis du Musée de la Mine, qui continue l’œuvre de son père Lucien dans la sauvegarde de ce passé industriel, de nous avoir fait partager un peu de l’épopée industrielle du Pays Noir.
NB : Les lignes en italiques sont extraites de « Années funestes » de Victor Hugo
Bibliographie : Terre de Mine en images de Lucien Mazars et Francis Mazars Musée de la Mines à Aubin
Marie Luxembourg
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